France : Macron recolle, la République se fissure
Cinq jours. Il aura suffi de cinq jours pour que le gouvernement Lecornu s’effondre, puis ressuscite. Un record d’instabilité pour une Ve République à bout de souffle. Derrière les sourires figés et les mots de “responsabilité” répétés à l’envi par Emmanuel Macron, se cache une réalité brutale : le pouvoir vacille, le Parlement gronde, et la confiance du pays s’évapore.
Lecornu II : l’éternel retour
Revoici donc Sébastien Lecornu, Premier ministre malgré lui, reconduit après avoir démissionné. “Je prends mes responsabilités”, a-t-il osé déclarer depuis l’Hôtel de Matignon. En vérité, il n’avait guère le choix. Emmanuel Macron non plus. Faute d’alternative crédible, le président s’accroche à son fidèle lieutenant, quitte à défier la logique politique.
Mais la manœuvre sent le rattrapage institutionnel. Les oppositions, toutes tendances confondues, crient à la mascarade. “Une République tournant à vide”, dénonce Jean-Luc Mélenchon. Pour Marine Le Pen, “le pouvoir macroniste s’accroche comme une tique à la démocratie”. Même au sein de la majorité, les rangs grincent des dents.
Un budget piégé
Dans quatre jours, le gouvernement doit présenter son budget 2026. Un texte explosif, censé ramener le déficit sous la barre des 5 % du PIB. Mission impossible sans couper dans les dépenses sociales. Et impossible, surtout, sans majorité stable.
À l’Assemblée, les couteaux sont déjà sortis : motions de censure prêtes, menaces de blocages, députés prêts à en découdre. “Nous ne laisserons pas passer un budget d’austérité sous couvert de sérieux budgétaire”, tonne la députée écologiste Marie Toussaint.
L’exécutif n’a plus que deux options : négocier à la pièce avec les centristes et une partie du PS, ou dégainer, une fois de plus, le 49.3 ce “joker autoritaire” devenu la marque de fabrique du macronisme finissant.
Le grand vide politique
Pendant que le pouvoir bricole, la France regarde ailleurs. Le pays se lasse de ces querelles de couloirs, de ces démissions en trompe-l’œil. Dans les cafés et sur les marchés, le mot “crise” ne dit plus grand-chose : c’est le bruit de fond permanent d’un système politique qui tourne en rond.
Les partis, eux, recomposent leur puzzle. Dominique de Villepin rêve d’un centre “humaniste” et “républicain”, pendant que Gérald Darmanin tente de réveiller un “peuple de droite” à coups de meetings. Des projets sans souffle, coincés entre nostalgie gaulliste et ambitions personnelles.
À gauche, on attend l’erreur fatale du gouvernement pour frapper fort. “Le peuple n’a plus confiance, et c’est mérité”, confie une députée insoumise. “Ce pouvoir gouverne sans mandat, sans cap et sans écoute.”
L’ombre de Badinter
Ironie du calendrier : c’est au moment où la République rend hommage à Robert Badinter au Panthéon que la politique française s’enlise dans ses contradictions.
Le symbole d’un homme de justice, de raison et d’humanité face à la réalité d’un pouvoir solitaire, obsédé par sa propre survie.
L’orage avant la dissolution ?
Si le gouvernement est censuré dans les prochains jours, Emmanuel Macron pourrait être tenté par une dissolution de l’Assemblée nationale. Le pari du chaos, déjà. “Il veut rejouer la carte du peuple contre le Parlement”, soupire un conseiller de la majorité. “Mais le peuple, lui, n’y croit plus.”
Dans les couloirs du Palais-Bourbon, un mot revient : épuisement. Celui d’une République usée jusqu’à la corde, incapable de se réinventer. Lecornu II ressemble à une parenthèse. Une de plus.
